
Le chinois sous l'empire du sens - Leçon de chinois
Phénomène de langue
Le chinois sous l’empire du sens
Un œil
même non averti distinguera sans difficulté une ressemblance graphique parmi
les caractères suivants : 莫,暮,墓,漠,寞. Et pour cause ! Ils constituent une série
graphique, non exhaustive, à savoir qu’on y retrouve le même composant, associé
à un autre qui les distingue. L’attention se porte généralement sur la
prononciation de ces caractères, soit respectivement mò, mù, mù, mò, mò, et une conclusion en est tirée selon
laquelle la parenté entre eux est phonétique. En fait, à l’examen, cela n’est
pas si simple… et devient beaucoup plus intéressant.
Le caractère premier de cette série 莫 est un mot de négation (prononcé alors mò), mais il signifiait à l’origine le crépuscule, le soleil qui se couche derrière les arbres :
S’agit-il d’un simple « emprunt » graphique,
comme cela est souvent présenté, ou plutôt une abstraction, une évolution à
partir de la notion de la disparition du soleil vers celui de la négation comme
absence tout court ? Et le plus intéressant est à suivre : si l’on se
penche sur la signification des autres caractères de la série, on perçoit
qu’elle renvoie systématiquement à une certaine « absence » : 暮 mù (avec le rajout de l’élément du soleil) : le
crépuscule, 墓 mù (avec l’adjonction de l’élément de la terre) : la tombe, 漠 mò
(avec l’élément de l’eau) :
le désert, et 寞 mò (avec l’élément du
Quelles que soient certaines approches académiques ou pédagogiques, l’écriture chinoise est bel et bien sous l’empire du sens…
La vie des caractères
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Cette
photo donne à voir les « quatre trésors du lettré », expression figée
apparue dès le Ve siècle, que sont le pinceau 笔
Joël BELLASSEN, ancien professeur des universités, est inspecteur général honoraire de chinois au ministère de l’Éducation nationale.
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